Rencontre avec
Martina Niernhaussen
Il y a tout juste un an sortait « Du
premier cri au dernier souffle » publié aux éditions Archipel, le premier
livre de Martina Niernhaussen, chanteuse lyrique, chef de chœur, chef
d’orchestre et musicothérapeute, formée au CIM en 2006.
Martina pratique la musicothérapie auprès
d’autistes en IME, en service de soins palliatifs, et en lymphologie à la
Fondation Cognacq-Jay. Elle intervient aussi à l’hôpital des armées de Clamart,
Martina m’a accueillie, ce mercredi 31 octobre,
dans sa maison située dans le Val d’Oise, autour d’un café, euh non deux cafés…
et de délicieux macarons, pour parler de
son livre.
Martina, comment est
né ce projet d’écriture ?
La directrice des éditions «l’Archipel »
est venue assister à l’un des concerts que je dirigeais en tant que chef
d’orchestre. Elle a découvert ensuite que j’étais aussi musicothérapeute. Cela
l’a immédiatement intéressée. Elle a tenté de me contacter. Dès que j’ai reçu
son message – six mois plus tard suite à un oubli de communication- j’ai aussitôt
décroché mon téléphone, et elle m’a proposé de rencontrer l’éditeur pour évoquer
l’écriture d’un ouvrage sur la musicothérapie.
Comment as-tu
réagi ?
J’ai sauté de joie, bien que je n’avais jamais
écrit de livre auparavant, Mon mémoire de musicothérapie a été mon premier
écrit en français i Mais je mûrissais en moi le désir d’écrire sur mes
patients, ceux qui sont seuls et qui n’ont personne pour penser à eux, ceux qui
meurent dans la solitude. Je voulais écrire, pour ne pas qu’on les oublie, pour
laisser une trace de leur existence.
Comment s’est
organisée la structuration du livre ? T’es-tu servi de compte-rendus de
séances pour sa rédaction ?
Non, j’avais tout en tête, j’ai la chance
d’avoir une très grande capacité de mémorisation. Et puis, les moments forts
avec les patients, ça ne s’oublie pas.
Les échanges avec l’éditeur nous ont mis sur la
voie de la structure du livre. Lorsque je suis arrivée à notre premier
entretien, je portais une minerve. J’ai dû lui parler de l’accident de voiture
que j’ai vécu il y a une vingtaine d’année et de mon expérience de mort
imminente. Il m’a aussitôt demandé d’ouvrir le livre par ce récit. Il ne
souhaitait pas, dans un premier temps, de chapitres théoriques, que je souhaitais
pour ma part, J’ai alors développé les portraits de mes patients, Puis
finalement la partie théorique s’est imposée d’elle-même et d’une place bien à
part initialement prévue, elle s’est insérée naturellement entre les récits de
séances, de concerts et les portraits.
Ce livre est-il pour
toi un récit autobiographie, un essai sur la musicothérapie, un
témoignage ? A qui s’adresse-t-il ?
C’est pour moi avant tout un témoignage de ce
que peuvent vivre les patients. Le livre s’adresse à tout le monde, Les gens
l’abordent différemment selon leur situation, leur profession etc. Certains
lecteurs passent les chapitres théoriques pour vite connaître la
suite de l’histoire, d’autres lisent le tout, prêtant à ces chapitres en
question un grand intérêt.
Quels sont les
retours, les réactions, que tu as pu recevoir de tes lecteurs ?
J’ai reçu beaucoup de retours de soignants, de
musicothérapeutes, d’étudiants en musicothérapie. Les soignants me témoignent
que la lecture du livre les a aidés à porter un autre regard sur les malades en
fin de vie ou dans le coma. J’ai reçu aussi le témoignage d’une personne qui
s’est mise à chanter pour son parent souffrant de la maladie d’Alzheimer. Et
puis, une musicienne m’a récemment fait part de sa décision de s’engager dans
des études de musicothérapie suite à la lecture du livre.
La femme, une et
« multi-carte » que tu es, musicothérapeute, chanteuse lyrique, musicienne,
chef de choeur et chef d’orchestre nous entraîne dans un tourbillon d’énergie,
de joie, de chaleur humaine. Dans notre jargon de professionnel, nous parlons
beaucoup de cadre et de projet thérapeutique, d’évaluations des séances et des
pratiques… Qu’en penses-tu ?
Toutes mes séances sont archi préparées. Plus les
séances sont préparées, plus je me sens libre, Avec les autistes, on
n’improvise pas. C’est parce qu’un musicien a beaucoup travaillé, répété et
encore répété, qu’il est capable d’improviser, C’est lorsque le cadre est
solide qu’il ne se voit plus, sachant que l’important, au final, ce sont les
effets thérapeutiques réels que vit la
personne.
Comment s’organisent
les concerts avec les choristes et musiciens professionnels que tu fais venir
au sein des services ?
J’organise ces concerts en dehors de mes
séances, et ce de façon bénévole. La plupart des chanteurs et musiciens
interviennent bénévolement. Cela me donne l’occasion de les « briefer »
sur la posture thérapeutique à tenir. La plupart sont bouleversés et repartent
riches d’une expérience humaine forte.
Depuis la sortie du livre, je reçois régulièrement
des invitations à venir faire des formations dans d’autres services de soins
palliatifs. J’ai reçu aussi une demande pour intervenir dans un cursus d’art
thérapeute.
Tu partages dans le
livre qu’une des conséquences de l’expérience de mort imminente que tu as vécue
à l’âge de 23 ans a été l’émergence pour toi d’une grande passion pour la
lecture des textes sacrés, l’histoire des religions, l’histoire des communautés
primitives et l’anthropologie. Tu relates aussi les résultats d’une étude sérieuse
menée sur des personnes ayant vécu cette expérience « spirituelle »,
disant qu’elles « ressentent plus de compassion pour les autres. » L’ensemble
du livre n’en est-il pas une illustration ?
Oui bien sûr, et si le livre commence par le récit
de cette expérience, ce n’est pas un hasard. Pour autant, je ne me sens pas du
tout spirituelle. Je crois en l’existence d’une seule entité qui nous dépasse,
la même pour tout le monde. Une autre certitude, c’est que je ne vois pas pourquoi
l’ambiance dans les soins palliatifs doit être triste, silencieuse, douloureuse,
Celle, dont le grenier de la maison où nous
venons de déguster deux cafés et quelques macarons, recèle de partitions,
costumes d’opéra, déguisements en tout genre, coffrets à bijoux, diadèmes en
faux strass, bref, de quoi organiser un carnaval en service de soins palliatifs,
en un rien de temps… ou presque, est déjà en train de travailler à un autre
projet d’écriture où il sera cette fois question de la Chine, et toujours,
d’histoires humaines et de chemins de vie.
Festivités d’halloween oblige, il y avait bien
entendu une citrouille décorée sur le rebord de la fenêtre de la maison et un
énorme saladier de bonbons préparé spécialement pour les enfants qui allaient sonner
à la porte le soir même.
Deux mille exemplaires du « Premier cri au dernier souffle »
se sont déjà écoulés en un an, sur les trois mille mis en place. A se procurer
absolument au rayon psy.
S. LEFEBVRE
http://www.dailymotion.com/video/xc5z9s_journal-france-3-12-13-paris-ile-de_webcam
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